Pr Martine Duclos – L’activité physique : de nombreux effets reconnus sur la santé
Professeur des Universités-Praticien Hospitalier, chef du service de Médecine du Sport au CHU de Clermont-Ferrand, endocrinologue et physiologiste, Martine Duclos nous détaille les bienfaits de l’activité physique pour la santé.
Le sport sur ordonnance est aujourd’hui une réalité ! Une excellente nouvelle pour tous les professionnels de santé convaincus que l’activité physique a toute sa place dans la prise en charge de certaines maladies. C’est le cas du Pr Martine Duclos, médecin endocrinologue, chef du service médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et également conseillère auprès de Valérie Fourneyron lorsqu’elle était ministre des Sports. Découvrez son parcours, ses convictions, et ses conseils pour remettre l’activité physique au cœur des parcours de soin… et de notre quotidien !
Vous êtes à l’origine médecin endocrinologue : comment en êtes-vous venue à vous intéresser à l’activité physique ?
Du fait de ma spécialisation en endocrinologie, je me suis toujours occupée des hormones et mon premier intérêt était d’étudier la relation entre hormones, activité physique et sportive dans un large spectre qui allait du surentraînement (le plus souvent chez le sportif intensif) jusqu’à l’absence totale d’activité physique. Initialement, je travaillais surtout sur deux domaines :
– le sportif de haut niveau : on disait que le sport de haut niveau n’était pas bon pour la santé parce qu’il induisait des perturbations du bilan hormonal. J’avais dû mal à y croire et j’ai pu montrer qu’un sportif de haut niveau a des réponses hormonales tout à fait normales et que le plus souvent les perturbations hormonales s’expliquaient par des déficits énergétiques prolongés. En d’autres termes, un adulte (femme ou homme) qui s’entraîne 15 à 20h par semaine doit avoir un bilan hormonal normal à condition que ses apports alimentaires compensent ses dépenses énergétiques augmentées,
– puis, par ma spécialisation qui m’amenait à voir des patients diabétiques ou en situation d’obésité, je me suis penchée sur les pathologies liées aux comportements en m’intéressant plus spécifiquement à l’activité physique, mais cette fois chez tout un chacun. Il faut savoir qu’à l’époque, il y a une dizaine d’années de cela, il était très difficile de trouver des financements pour la recherche sur l’activité physique ! Du coup, j’ai contourné le problème. Comme j’étais dans un laboratoire INSERM de neuroendocrinologie où l’on travaillait beaucoup sur le stress, j’ai pu, via l’axe corticotrope, m’intéresser aux troubles métaboliques, à l’activité physique, au stress, le cortisol étant une hormone qu’on accusait à la fois d’être responsable des effets délétères du surentraînement chez le sportif et des troubles métaboliques chez les sujets en surpoids ou obèses. Bien entendu, ce n’est pas aussi simple, et le cortisol est une hormone fabuleuse, indispensable à la vie, et qui s’adapte parfaitement aux besoins de l’organisme avec tout un système de régulation pour éviter que le système ne s’emballe. Et ses relations avec l’activité physique et sportive ont fait le lit de mes premières publications scientifiques.
Puis, peu à peu, l’intérêt de l’activité physique comme objet de travaux de recherche a fait son chemin et comme je travaillais sur ce sujet depuis un moment, cela a été plus facile de pouvoir officiellement en faire une spécialité.
Comment expliquez-vous justement cet intérêt grandissant pour l’activité physique comme sujet de recherche ?
La nutrition a toujours été mise en avant car on pensait que c’était la première, voire unique, prise en charge efficace. Mais on s’est rendu compte que la nutrition était efficace à court terme seulement, si elle est utilisée comme seule approche thérapeutique. Prenons l’exemple de l’obésité. Il est possible de faire perdre du poids aux sujets en situation d’obésité mais le problème n’est pas la perte de poids mais son maintien à long terme. Sur ce sujet, le pronostic est très mauvais : moins de 10% des sujets obèses maintiennent à 3 ou à 5 ans la perte de poids qu’ils ont obtenue. La nutrition n’est absolument pas suffisante et il faut y associer d’autres éléments. En effet, dans notre mode de vie, il n’y a pas que nos habitudes alimentaires mais aussi notre comportement qui est extrêmement sédentaire : l’inactivité physique mais aussi désormais le temps passé assis qui s’associe aussi à des comportements de grignotage par exemple. On note des interactions pas forcément très connues entre comportement sédentaire et prise alimentaire, à l’inverse de ce qu’on aurait pu imaginer intuitivement.
Qu’entendez-vous par là ?
Il y a quelques études qui commencent à montrer que paradoxalement, chez les enfants obèses, la prise alimentaire est moindre après un exercice physique intense qu’après une période de sédentarité (2h devant la télévision ou des jeux vidéo). Le fait d’avoir un comportement sédentaire, un temps passé assis aurait tendance à augmenter la prise alimentaire alors que le fait d’avoir une activité physique aurait tendance à la diminuer. Pourtant, normalement, les comportements homéostatiques devraient faire qu’en situation d’activité physique et donc de dépense énergétique augmentée on mange plus et qu’à l’inverse dans les situations de sédentarité où la dépense énergétique est plus faible, on mange moins ! Et bien, il semblerait que ce ne soit pas le cas pour les enfants obèses. Il s’agit encore de données concernant seulement quelques études mais c’est certainement une piste à creuser !
Quel est votre regard sur l’attitude des Français par rapport à l’activité physique ?
Je voudrais juste apporter une précision. Attention à ne pas confondre inactivité physique et sédentarité. L’inactivité physique, c’est ne pas faire 30 minutes d’activité 5 fois par semaine. La sédentarité c’est le fait de passer trop de temps assis. Il est important de lutter contre les deux car chacun de ces comportements, indépendamment l’un de l’autre, induit une augmentation de la mortalité et des pathologies chroniques.
Il commence à y avoir une prise de conscience de la population mais il reste du travail à faire ! Uniquement 30% des Français suivent les recommandations d’activité physique. Actuellement, le ministère des Sports a engagé une vraie démarche pour promouvoir l’activité physique et sportive pour tous les publics et dans toutes les conditions (incluant les publics à besoins particuliers : sujets porteurs d’une maladie chronique, sujets en position de handicap, publics défavorisés…). Le sport pour tous mais aussi l’activité physique dans la vie quotidienne. On doit vraiment pouvoir utiliser ses déplacements quotidiens pour bouger, l’école pour bouger, le milieu du travail pour bouger. Nous devons tous être mobilisés.
Pratiquer une activité physique est une démarche volontaire, un peu comme bien se nourrir ! A chacun d’être actif pour sa propre santé, d’avoir une prise de conscience individuelle. Et aux pouvoirs publics d’aider pour que l’activité physique soit facilement accessible pour tous.
Quels conseils donner à quelqu’un qui a été longtemps inactif et sédentaire et qui souhaite reprendre une activité physique ?
Déjà commencer doucement : il n’y a pas le feu ! Regarder ce qu’il y a autour de chez soi, comment bouger tout simplement dans sa vie quotidienne. Se remettre en forme. Aller voir son médecin pour avoir des conseils. Il y a pas mal de clubs et de fédérations qui s’engagent vraiment dans le sport-santé : la natation, l’athlétisme, la randonnée pédestre, la gymnastique volontaire (FFEPGV), le sport pour tous (EPMM)… Dès qu’on a retrouvé la motivation, trouver une activité physique qui plaît. Quand c’est possible, essayer de la pratiquer à plusieurs car il y a un aspect ludique, socialisant. C’est plus sympa de faire du sport en groupe. Important aussi : privilégier la variété !
L’activité physique a de nombreux effets reconnus sur la santé ; elle permet de bien vieillir avec un retard de la survenue de la dépendance ou de la maladie d’Alzheimer, d’être moins stressé, d’avoir une meilleure qualité de vie et joue un rôle préventif dans de nombreuses maladies : cancer du sein, du côlon, ostéoporose, diabète de type 2, obésité…
Donc aucune raison de se priver, au contraire : bougeons !
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